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Instant . . .
– Étonnant. Je n’ai pas peur. Je devrais pourtant. Je dois être comme ce type qui saute du centième étage et qui, arrivé au 80ème, dit : « Jusqu’ici, ça va ». Le vent hurlait dans ses oreilles. Il leva les yeux. Malgré la puissance de l’air qui faisait vibrer ses joues, il contempla la beauté du ciel, bleu comme un Magritte, nuages blancs en suspension, traces d’un pinceau géant. Il se sentit comme un touriste qui admire le plafond de la chapelle Sixtine. Sa gorge lui fit mal. Il n’avait jamais autant hurlé de toute sa vie. Ni si longtemps. À présent, il appréciait le silence abyssal, froissé uniquement par la vitesse.…
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Une fille le long du canal
Une fille le long du canal,jupe courte, talons aiguilles, agite ses bras.Elle dit bonjour à la vie. Je n’avais plus un sous.J’ai enfilé ma robe fuseau noir, chaussé mes talons aiguilles rouges, et abandonné dans la chambre de l’hôtel les restes de mon divorce, un mois plus tôt. Une heure plus tard, je dormais entre des bras chauds, une liasse de billets posée sur la table de nuit d’un autre hôtel. Une fille le long du canal,jupe courte, talons aiguilles, agite ses bras.Elle dit bonjour à la vie.
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HumanoïdePrimal
– Certains prétendent que vous êtes HumanoïdePrimal ! A chaque conférence de presse, une nouvelle hypothèse, pressante d’espoir d’une révélation sur l’identité de mon protégé, surgissait. Comme à chaque fois, j’y répondis par : – Nous sommes tous HumanoïdePrimal. Suite à cette récurrente réponse, certains journalistes imaginaient que HumanoïdePrimal était un chanteur ou une chanteuse différent à chaque nouvel album. – C’est pourquoi HumanoïdePrimal apparaît masqué, commentait le journaliste du magazine anglais Mojo, inventeur de cette théorie.– Avouez qu’il n’existe tout simplement pas !– Qui était alors sur la scène dans les catacombes de Rome, l’été dernier ?, rétorquai-je.– Un hologramme ! Comme Kurt Cobain, Jim Morrison ou Ian Curtis ! Ainsi que les 20 autres…
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Midori 2
Elle est làAssiseSon bureau et quelques mètresNous séparent Mais, plus encore,Les récits que j’écoute depuis dix minutes Au son de ma langue maternelleJe redeviens moi Dans ce lugubre hallAu cœur de TokyoAssis devant Midori que j’aime depuis des nuitsMon moi resurgit de je ne sais où il était allé. Ce fut comme retrouver, en tournant le coin d’une rue, son meilleur ami d’enfance.Son contact m’échappa de cet obsessionnel amour むずかし .
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Leçon
Deux fois par semaine,Nous nous voyons,Tel un cinq à sept intellectuels. Je la désire,Mais ne lui dit pas. Je suis l’élève,Elle est le maître. À côté de moi,Ses ongles rouges trépignent sur le bureau noir. Sous ma lenteur,Ses cuisses rondes, asiatiques, se trémoussent d’impatience.Sur la chaise,Son corps s’agite. Parfois, elle approche.Son index se pose sur un mot, une phrase,Fugace. Il me semble qu’une envie, un fantasme, l’emporte alors vers moi,Mais lorsque je viens, elle recule. Tels deux aimants tournant sur eux-mêmes,Nous n’arrivons pas harmoniser nos pôles opposés. Dois-je ne plus bouger pour qu’enfin je puisse gouter sa chaleur ?
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Disparitions
Chapitre 1 : Disparition — Quoi ! Dans le cornet de cuivre, le flot des mots s’écoula comme un torrent à la fonte des neiges. L’employé hachait son rapport comme le boucher découpe une carcasse : précis, minutieux, sans fioriture. Lorsque le cornet rejoignit l’appareil téléphonique, l’inspecteur épongea la sueur qui émergeait de son large front ridé par 25 ans de service. Depuis le début de la semaine, c’était la 5ème disparition. L’affaire des vols de statues publiques augmentait chaque jour le tirage des éditions spéciales des journaux parisiens. Mais ce nouveau vol était plus exceptionnel. Il s’agissait du Zouave du pont de l’Alma ! Quel malfrat pouvait réaliser un tel exploit ? Un nom percuta l’intérieur…
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Instant
Un livre qui s’écarte sur une table,Un peu de jazz qui traîne dans l’air,Chaleur.Le temps s’étire,Océane.
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Et soudain revins l’été
J’erre dans l’hiver de cette fin de millénaire. D’un pas glacé par les bourrasques, mon cerveau se congèle de l’intérieur. Moins 30 dehors ! m’annonce mon coéquipier par onde lumineuse. Les images conglomèrent comme les immenses stalactites au fin fond de la planète Io. La blancheur du paysage ne me fait pas l’effet escompté : retrouver un souffle de vie, de bonheur ! Le froid, sa rudesse injuste, ne me donne toujours pas ce que je suis venu réellement chercher : la mort. Les glaces gliesiennes sont un continent fascinant, dernier espace vierge, pur… Mon interview, avant mon départ, résonne ironique, à présent qu’elle m’a quitté. Le cœur a besoin…
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Une star née trop tard
Un chanteur pousse sa mélopée dans une foule. Il est anonyme.Personne ne l’écoute.Personne ne le regarde. Pourquoi chante-t-il ? Pour lui ? Par plaisir ? Par espoir d’être connu ? Reconnu ? Son micro est en hauteur, en angle aigu. Son spot ? Le soleil. Dans le public mouvant, pas à pas, il se déplace. Parmi eux, rivière humaine, un Rolling Stone marche, guitare folksong en action. Un bonnet noir vissé sur le crâne, look Bono, malgré la chaleur. Les grattages de cordes ni font rien. Effort vain ?
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Le Maitre de l’horloge
Chapitre 1 : mort de Hans Kruger Situation :Dans une pièce de 36 mètres carrés, un homme allongé sur un lit blanc, habillé de blanc, entouré de ses 4 robots domestiques, de 1 mètre 30 chacun. Le contact cérébro-magnétique avec le Bio est coupé. Simultanément au dernier battement cérébral, les 4 entités robotiques se sont éteintes.C’était une situation tout à fait normale. L’homme, âgé d’un peu plus de 121 années, avait mis un terme à son existence. Les souvenirs des data mémoriels des 4 androïdes ne permettaient aucun doute sur la volonté du défunt. Les focales projetèrent les dernières minutes de Hans Kruguer, spécialiste en machine learning de 2033 à 2084. Dans…