-
Leçon
Deux fois par semaine,Nous nous voyons,Tel un cinq à sept intellectuels. Je la désire,Mais ne lui dit pas. Je suis l’élève,Elle est le maître. À côté de moi,Ses ongles rouges trépignent sur le bureau noir. Sous ma lenteur,Ses cuisses rondes, asiatiques, se trémoussent d’impatience.Sur la chaise,Son corps s’agite. Parfois, elle approche.Son index se pose sur un mot, une phrase,Fugace. Il me semble qu’une envie, un fantasme, l’emporte alors vers moi,Mais lorsque je viens, elle recule. Tels deux aimants tournant sur eux-mêmes,Nous n’arrivons pas harmoniser nos pôles opposés. Dois-je ne plus bouger pour qu’enfin je puisse gouter sa chaleur ?
-
Disparitions
Chapitre 1 : Disparition — Quoi ! Dans le cornet de cuivre, le flot des mots s’écoula comme un torrent à la fonte des neiges. L’employé hachait son rapport comme le boucher découpe une carcasse : précis, minutieux, sans fioriture. Lorsque le cornet rejoignit l’appareil téléphonique, l’inspecteur épongea la sueur qui émergeait de son large front ridé par 25 ans de service. Depuis le début de la semaine, c’était la 5ème disparition. L’affaire des vols de statues publiques augmentait chaque jour le tirage des éditions spéciales des journaux parisiens. Mais ce nouveau vol était plus exceptionnel. Il s’agissait du Zouave du pont de l’Alma ! Quel malfrat pouvait réaliser un tel exploit ? Un nom percuta l’intérieur…
-
Abysses
La bêtise a des profondeursQu’il m’est devenu difficile d’atteindre
-
Instant
Un livre qui s’écarte sur une table,Un peu de jazz qui traîne dans l’air,Chaleur.Le temps s’étire,Océane.
-
Et soudain revins l’été
J’erre dans l’hiver de cette fin de millénaire. D’un pas glacé par les bourrasques, mon cerveau se congèle de l’intérieur. Moins 30 dehors ! m’annonce mon coéquipier par onde lumineuse. Les images conglomèrent comme les immenses stalactites au fin fond de la planète Io. La blancheur du paysage ne me fait pas l’effet escompté : retrouver un souffle de vie, de bonheur ! Le froid, sa rudesse injuste, ne me donne toujours pas ce que je suis venu réellement chercher : la mort. Les glaces gliesiennes sont un continent fascinant, dernier espace vierge, pur… Mon interview, avant mon départ, résonne ironique, à présent qu’elle m’a quitté. Le cœur a besoin…
-
Une star née trop tard
Un chanteur pousse sa mélopée dans une foule. Il est anonyme.Personne ne l’écoute.Personne ne le regarde. Pourquoi chante-t-il ? Pour lui ? Par plaisir ? Par espoir d’être connu ? Reconnu ? Son micro est en hauteur, en angle aigu. Son spot ? Le soleil. Dans le public mouvant, pas à pas, il se déplace. Parmi eux, rivière humaine, un Rolling Stone marche, guitare folksong en action. Un bonnet noir vissé sur le crâne, look Bono, malgré la chaleur. Les grattages de cordes ni font rien. Effort vain ?
-
Le Maitre de l’horloge
Chapitre 1 : mort de Hans Kruger Situation :Dans une pièce de 36 mètres carrés, un homme allongé sur un lit blanc, habillé de blanc, entouré de ses 4 robots domestiques, de 1 mètre 30 chacun. Le contact cérébro-magnétique avec le Bio est coupé. Simultanément au dernier battement cérébral, les 4 entités robotiques se sont éteintes.C’était une situation tout à fait normale. L’homme, âgé d’un peu plus de 121 années, avait mis un terme à son existence. Les souvenirs des data mémoriels des 4 androïdes ne permettaient aucun doute sur la volonté du défunt. Les focales projetèrent les dernières minutes de Hans Kruguer, spécialiste en machine learning de 2033 à 2084. Dans…
-
J’habite un grenier
Je suis entouré de montagnes de tuilesEnneigées en hiverRouge orangé argileuxEn étéJ’habite un grenierEntouré de montagnes de tuilesAux pentes descendantesPareil à des pistes de skis pour nain débutantsPareil à des carapaces de batraciens géantsDont on aurait recouvert de leurs immenses écailles les toits des chaumières environnantesJ’habite un grenierOù le plancher marque son existence centenaire par ses craquements sous un balatum plus jeunes et moins authentiqueJ’habite un grenierOù les casseroles débordent d’eau qui boueOù le radiateur est gravé forgé d’arabesques, plantes sinueuses, telle une œuvre d’Art DecoJ’habite un grenierOù le rideau est déchiré comme la voile du Bateau FantômeJ’habite un grenierOù la lumière m’inonde chaque matin de sa douceur de vivreComme…
-
Marija
En ce temps-là, j’étais propriétaire de terres immenses, étirées de champs, ponctuées de prairies, étoffées de bois enchevêtrés. Mon pays me manque-t-il ? Non. L’amour est devenu ma patrie. J’y fais fleurir la patience, l’affection, la tendresse, la joie, le désir ainsi que ses nombreux plaisirs. Pourtant, avant, rien n’y poussait ! Terre intime devenue aride suite à l’éducation stricte d’une famille de nobles fiers d’un passé dépassé. Dans ce carcan d’une nostalgie glorieuse, la liberté était un rêve, et l’amour, une montagne inaccessible pareille au mont Olympe. Heureusement, un héros descendit dans le Tartare de ma soumission héréditaire. – Je ne veux pas dépendre de mon art ! Et je ne veux…
-
Hasards
Hasard. Hasard de l’enfant qui braille dans les bras de sa mère ? Hasard de l’existence qui lui a fait rencontrer ce visage maigre, asiatique comme le sien, devenu son amant puis le père de ce bout de chair qu’elle tente de calmer en le berçant avec patience. Quelle probabilité avaient-ils, ces deux humains, de se connaître, de s’aimer ? Quels facteurs ont induit leur rencontre ? Même école ? Même quartier ? Le hasard est partout, à chaque instant, tout autour de nous, nous les êtres vivants mobiles. Hier, j’ai joué au Lotto : 300.000 euros ! Le facteur qui m’a fait acheter la précieuse grille gagnante. Oui, mais aussi une misère économique et un amour…